Le 2 avril 2025, le Service général du renseignement et de la sécurité, le SGRS qui dépend du ministère de la Défense, publiait son rapport annuel 2024. Il indiquait qu’au cours de l’année passée, la Belgique avait été la cible de campagnes de désinformation organisées depuis l’étranger et notamment depuis la Russie.

Plusieurs de ces opérations ont, par exemple, visé la population belge lors de la décision du précédent gouvernement de livrer des avions de combat à l’Ukraine ou lors des élections fédérales, régionales et européennes du 9 juin. Cependant, la Belgique restait moins visée que d’autres pays européens – comme la France, l’Allemagne ou les pays baltes.

La Défense au centre du jeu

Pour lutter contre ces opérations de désinformation, le ministre belge de la Défense
Theo Francken veut donner un rôle prépondérant à la Défense. Selon l’exposé d’orientation politique du ministre présenté à la Chambre des représentants le 14 mars 2025, la « communication stratégique de la Défense doit s’adresser directement à la population belge pour l’empêcher de se laisser convaincre par des tentatives de désinformation étrangères ».

« La Défense est particulièrement mal placée pour donner aux citoyennes et citoyens les outils pour un traitement critique de l’information »

Comme le souligne Samuel Longuet, chargé de recherche au GRIP, il est question de confier à la communication institutionnelle de la Défense les tâches de « contrer les campagnes de désinformation et fournir à la population les outils nécessaires pour traiter de manière critique les informations et procéder à une évaluation individuelle des informations proposées » et de « viser à donner à la population les moyens et la confiance nécessaires pour évaluer l’authenticité de l’information de manière autonome ».

Professionnels de l’éducation et l’information ?

Pour Samuel Longuet, cette prééminence dans la lutte contre la désinformation, accordée à la Défense par son propre ministre, n’a rien de naturel. Il rappelle que « c’est avant tout le travail des professionnels de l’éducation et de l’information : par exemple des journalistes, des enseignants, des chercheurs et des professionnels de l’éducation permanente ».

« L’ambition affichée de la Défense de justifier les choix politiques qui lui accordent plus de ressources financières l’empêche d’être une source d’information indépendante »

Pour lui, « la Défense est particulièrement mal placée pour donner aux citoyennes et citoyens les outils pour un traitement critique de l’information ». Comme le rappelle l’exposé d’orientation politique du ministre, cette communication est soumise à une logique organisationnelle d’autopromotion. « Son ambition affichée de justifier les choix politiques qui lui accordent plus de ressources financières l’empêche d’être une source d’information indépendante. »

Effort de transparence

Ce nouvel Éclairage du GRIP montre les limites de l’approche qui militarise les questions d’information et de désinformation. Pour ce faire, ce texte procède en trois étapes. Il commence par analyser les ressorts des discours qui militarisent la lutte contre la désinformation. Il montre ensuite que la prééminence de la Défense dans une stratégie nationale de lutte contre la désinformation n’est pas justifiée. Il met enfin en évidence que l’effort principal que la Défense pourrait engager pour lutter contre la désinformation est celui de la transparence sur les conséquences de ses opérations militaires.

Lire l’Éclairage du GRIP « Est-ce à la Défense de lutter contre la désinformation ? »