Depuis novembre 2021, plusieurs milliers de soldats des Uganda People’s Defence Forces (UPDF) sont présents dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) dans le cadre de l’opération Shujaa menée conjointement avec les Forces armées de RDC (FARDC). L’objectif était, au départ, d’éradiquer les Allied Democratic Forces (ADF), un groupe islamiste d’origine ougandaise basé dans la province du Nord-Kivu.
« Quatre ans plus tard, les ADF sont loin d’être anéanties et continuent à massacrer des civils. »
Quatre ans plus tard, les ADF sont loin d’être anéanties et continuent à massacrer des civils, y compris dans la province voisine de l’Ituri. L’opération Shujaa les a bien éloignées de la frontière ougandaise, mais elle n’a nullement diminué leur capacité de nuisance, projetée davantage à l’intérieur de la RDC.
De leur côté, si les UPDF se sont également déployées en Ituri, elles semblent plutôt s’intéresser à d’autres groupes armés ajoutés à leur liste d’ennemis à abattre. Un renforcement majeur des effectifs et l’extension géographique de leur déploiement, au début 2025, ont été imposés à Kinshasa, l’accord les entérinant n’étant conclu que plusieurs mois plus tard.
Par ailleurs, au-delà des objectifs affichés, la présence militaire ougandaise vise également à sécuriser les intérêts économiques de Kampala, dont son accès au marché et aux ressources naturelles de RDC, la construction de routes et l’exploitation du pétrole extrait du lac Albert. Si la présence des UPDF rassure des populations affectées par les violences des ADF, elle est également à la base de tensions communautaires croissantes et du mécontentement de commerçants lésés par les produits vendus en contrebande par les soldats ougandais.
Le renforcement du dispositif militaire ougandais a aussi été justifié par la nécessité de bloquer l’avancée du M23 pro-rwandais qui, après la prise de Goma, progressait dans le nord du Nord Kivu, chasse gardée de Kampala. La ligne de démarcation entre les UPDF et le M23 matérialise ainsi le découpage de l’est de la RDC en deux sphères d’influence, rappelant immanquablement la Deuxième guerre congolaise (1998-2003) quand l’Ouganda, le Rwanda et les groupes congolais qui leur étaient inféodés s’étaient partagé l’est du Congo.
N’ayant pas réussi à éliminer les ADF et de moins en moins conjointe, l’opération Shujaa contribue à rogner un peu plus la souveraineté de la RDC, incapable de s’opposer aux puissants intérêts ougandais dans la région.
Armée ougandaise en rdc : Force de paix ou puissance occupante ?
Crédit photo: Photo du haut : Otages des ADF libérés par les UPDF, Mwalika, Nord-Kivu, août 2023. Photo du bas : Le général Muhoozi Kainerugaba visite ses troupes en RDC.
Crédit photo : Site des Uganda People’s Defence Forces
Georges Berghezan était chercheur de 2000 à 2022.Après avoir travaillé au GRIP durant les années 1980, Georges Berghezan y est revenu au début des années 2000. Il concentre depuis ses activités sur les nombreux conflits « post-guerre froide », particulièrement en Afrique subsaharienne, et sur les outils servant à les mener, les armes légères et de petit calibre, dont l’utilisation et les transferts commencent seulement à être quelque peu réglementés. C’est donc autour de ces deux problématiques – Afrique et armes légères – que Georges Berghezan menait la plupart de ses activités.
Adolphe Agenonga Chober est docteur à thèse en Relations internationales de l’Université de Kisangani ainsi qu’enseignant-chercheur et consultant international de la CEEAC sur les conflits liés au pastoralisme et à la transhumance transfrontaliers au nord-est de la RDC. En 2020, il a accompagné la mission de paix à l’origine de plusieurs accords avec des factions de la Codeco


















