Cette Note d’analyse a pour objectif de présenter et de tenter de situer, dans son contexte régional, la réapparition et la rapide expansion territoriale depuis 2022 du M23, ce groupe armé déclarant défendre la minorité tutsie dans l’est du Congo.
Pourquoi s’intéresser spécifiquement à ce groupe armé, alors qu’il en existe au moins 120 autres dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC)1, certains étant assurément encore plus meurtriers que le M23 ?
Le M23 se distingue des autres groupes opérant en RDC d’abord par la rapidité de sa conquête, au moins en partie, de quatre des six territoires du Nord-Kivu, la province la plus peuplée du pays, après Kinshasa. Aucun autre groupe armé ne peut revendiquer le contrôle d’une zone aussi étendue. Cela s’explique, surtout mais pas seulement, par le soutien militaire dont il bénéficie de l’armée d’un pays voisin, une armée disciplinée, aguerrie et puissamment armée. En outre, la plupart des combattants du M23 sont également des militaires professionnels, dont beaucoup de déserteurs provenant des Forces armées de RDC (FARDC).
D’autre part, un nombre impressionnant d’acteurs sont impliqués dans ce conflit : outre le M23 et les FARDC, on trouve les armées du Rwanda et de l’Ouganda, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo (MONUSCO), deux forces régionales qui se sont succédé, divers groupes armés et des mercenaires et sociétés privées. Il n’est dès lors pas surprenant que cette guerre ait une incidence importante sur les relations entre, non seulement la RDC, le Rwanda et l’Ouganda, mais aussi avec d’autres pays africains, du Kenya à l’Afrique du Sud.
Outre ce potentiel déstabilisateur, la guerre du M23 camoufle des intérêts économiques et géostratégiques majeurs, pour les parties en conflit, mais aussi pour le monde industrialisé, puisque plus de la moitié du coltan, ce minerai indispensable à la production des condensateurs pour appareils électroniques, est extrait dans l’est de la RDC, et en particulier dans la région convoitée par le M23.
Enfin, davantage que les autres conflits à caractère ethnique d’Afrique centrale, l’activisme du M23 attise les tensions et les haines intercommunautaires dans la région des Grands Lacs, où les plaies résultant du génocide rwandais sont loin d’être cicatrisées.
Cette note est structurée en quelques chapitres. Après avoir rappelé les origines du M23, une section est consacrée à l’évolution de la situation militaire, marquée par une progression quasi constante des rebelles depuis la fin de 2021. Leurs revendications sont ensuite présentées, avant d’énumérer les nombreux alliés des protagonistes. La section suivante s’intéresse aux intérêts sous-jacents à ce conflit, avec comme enjeu les fabuleuses ressources naturelles du Kivu. Enfin, la conclusion tente de synthétiser les facteurs qui ont permis la rapide progression de ce groupe armé pour en arriver à la nécessité d’une issue négociée à cette crise, à l’origine d’une nouvelle tragédie humanitaire dans l’est de la RDC.
Crédit photo de couverture : M23 troops Bunagana 5, le 7 juillet 2012, © Al Jazeera English, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons.