Les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) de l’ONU dits de seconde génération avaient pour ambition de pallier aux manques des programmes précédents accusés de ne pas inclure suffisamment les femmes combattantes. En effet, il existe un décalage persistant entre le nombre de femmes participant aux actions des groupes armés et le nombre d’entre elles qui participent effectivement aux programmes de DDR une fois le conflit terminé. Malgré leurs efforts pour combler/dépasser ce décalage et voir plus de femmes participer, force est de constater que les processus de DDR de seconde génération n’ont pas à ce jour réussi à atteindre une participation significative des femmes combattantes. Cette différence entre les ambitions affichées et la réalité de terrain est caractéristique des lacunes de l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité des Nations unies. Les programmes de DDR ciblent encore majoritairement les hommes combattants, dont le recours potentiel à la violence serait la seule réelle menace à la sécurité et à la construction d’une paix durable. Les femmes ayant contribué elles aussi aux groupes armés se retrouvent alors marginalisées, leur rôle lors du conflit effacé et leurs besoins spécifiques mis de côté. Les programmes de DDR tendent en effet à reproduire voire renforcer les stéréotypes de genre plutôt que de capitaliser sur les expériences émancipatrices que ces femmes ont pu vivre au sein des groupes armés.
Ce rapport a ainsi pour objectif d’analyser les dynamiques et facteurs principaux ainsi que les obstacles qui peuvent expliquer le décalage persistant entre les volontés affichées des Nations unies et la réalité qu’on observe sur le terrain et qui conduit à une invisibilisation des femmes combattantes.
L’autrice a choisi de diviser sa réflexion en trois étapes. Tout d’abord, elle souligne comment la persistance d’un biais de genre dans les phases de conception, de formulation et de mise en œuvre des programmes de DDR participe de l’invisibilisation des femmes combattantes (I). Ensuite, elle analyse la manière dont ce biais de genre initial est conforté par des normes et des attentes communautaires traditionnelles qui marginalisent d’avantage ces femmes et rendent presqu’impossible leur participation à ces programmes (II). Enfin, la troisième étape s’intéresse aux dynamiques relevées lors des deux premières qui ont pour conséquence une négation du statut de combattante de ces femmes dans les programmes de DDR de l’ONU, qui ne peuvent exister dans l’après conflit qu’en tant que victime ou pacificatrice (III).