Fin octobre 2023, plusieurs syndicats belges du secteur des transports aériens (CNE, UBT, Setca et Transcom) ont appelé leurs affiliés de l’aéroport de Liège-Bierset à ne plus manutentionner de matériel militaire à destination d’Israël. Didier Lebbe, permanent CNE, expliquait que « nous ne voulons pas nous rendre complices de crimes de guerre en amenant ce matériel vers Israël et la Palestine ». Ce n’est pas la première fois que ce type d’initiative est prise. En 2019, les dockers des ports du Havre, de Marseille et de Gênes avaient refusé de charger des armes à destination de l’Arabie saoudite ; pays accusé de commettre de nombreux crimes de guerre au Yémen depuis 2015. Au port de Gênes, ces actions se sont prolongées dans le temps. Josè Nivoi, syndicaliste à l’Unione Sindacale di Base (USB), explique ainsi que sont bloqués chaque année en moyenne deux navires transportant des armes susceptibles d’être employées dans des zones de guerre (Israël, Yémen, mais aussi Kurdistan, par exemple.
À la suite de la reprise des hostilités entre Israël et le Hamas, les appels des syndicats de transporteurs se sont multipliés à travers l’Europe et le monde — à Barcelone, à Melbourne, à Oakland, à Toronto ou encore à Liège. En Belgique, Amnesty International, le CNCD 11.11.11, Vredesactie, la Ligue des droits humains que d’autres associations ont, dans la foulée, appelé le gouvernent à ne plus autoriser le transit d’armes étrangères à destination de l’État hébreu. Elles rappellent, en effet, que « tous les États ont […] la responsabilité de veiller à ce que leur territoire, leur espace aérien, leurs ports et leurs aéroports ne servent pas à fournir à des États tiers les moyens de commettre des crimes de guerre ». Elles estiment par ailleurs que le cadre légal belge sur le transit des armes « souffre d’une grande faiblesse » et appellent le gouvernement à procéder à l’« application concrète, sur son territoire, des règles internationales auxquelles il a adhéré », comme celles du Traité des Nations unies sur le commerce des armes (TCA) et de la Position commune 2088/944/PESC du Conseil de l’Union européenne.
Partant de ce constat et de ces différents appels, cet Éclairage revient sur les différents flous factuels et juridiques qui entourent la question des transits d’armes en Belgique. Après avoir illustré l’opacité des données disponibles, il montre que le cadre légal belge sur les transits ne contrevient pas nécessairement aux instruments internationaux et européens relatifs au commerce des armes. En revanche, ce texte estime qu’en application d’autres obligations internationales – en particulier celle de faire respecter le droit international humanitaire (DIH) –, les autorités doivent bloquer les transits lorsque les armes sont destinées à des zones de conflit où des crimes de guerre sont commis.
Crédit photo de couverture : EL AL Cargo Boeing 747-245F(SCD), AMS Amsterdam [Schiphol], Netherlands, February 2007, photographer Peter Bakema, via Wikimedia Commons