À son arrivée au pouvoir en Somalie en 1969, et jusqu’en 1991, le président Mohammed Siad Barre constitue un vaste arsenal militaire. L’appareil de sécurité nationale passe de 5 000 policiers en 1964 à une armée permanente de 37 000 soldats équipés de matériel soviétique en 1977[1]. Théâtre des rivalités de blocs durant la Guerre froide, la Somalie profite de transferts d’armements des deux superpuissances d’alors, l’URSS et les États-Unis. Et même la Somalie compte parmi leurs clients marginaux, à l’échelle nationale, ces transferts ont spectaculairement accru le volume d’armes présentes dans le pays.

Fragilisée par ses affrontements armés avec l’Éthiopie lors de la Guerre de l’Ogaden (1977-1978)[2], la Somalie est également marquée par une période d’instabilité interne pendant la décennie 1980. Les tensions entre le gouvernement et des groupes d’opposition réclamant le départ du président favorisent des phénomènes mafieux et insurrectionnels. Le pays s’installe durablement dans une dynamique de guerre civile[3]. Celle-ci s’intensifie jusqu’à provoquer la désintégration de l’État, matérialisée par la chute du président Mohammed Siad Barre en 1991. S’ensuit une série de pillages des stocks gouvernementaux d’armes, qui a pour conséquence de les disséminer sur l’ensemble du territoire[4]. De nombreuses armes se retrouvent sur les marchés noir (ou gris[5]) de l’armement en Somalie, Mogadiscio en tête.

Cette prolifération incontrôlée et la perpétuation d’affrontements armés au sein du pays amènent le Conseil de sécurité Nations unies à imposer un embargo sur les armes le 23 janvier 1992 avec l’adoption de la Résolution 733. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité des Nations unies décide que « tous les États doivent, aux fins du rétablissement de la paix et de stabilité en Somalie, appliquer immédiatement un embargo général et complet sur toutes les livraisons d’armes et d’équipement militaires à la Somalie[6] ». Après 30 ans de cet embargo, il convient de tirer un constat d’échec. Le plus long embargo de l’histoire onusienne n’a permis de résoudre ni les défis de l’instabilité politique de la Somalie ni de la diffusion des armes sur l’ensemble du territoire. Malgré les efforts déployés, le pays est toujours confronté à des transferts illicites d’armements à l’échelle nationale et régionale. La faiblesse des institutions a permis aux acteurs non étatiques[7] de développer leurs capacités militaires et de pérenniser le commerce illicite. Se dégage déjà un bilan pointant la faiblesse des autorités régaliennes et le rôle des milices armées, qui figurent au nombre des facteurs limitant l’efficacité de l’embargo onusien. Ce ne sont que les aspects les plus évidents participant aux obstacles au désarmement de la société somalienne et à l’apaisement des tensions qui la parcourent.

Ce texte procède à une revue des éléments nuisant à l’efficacité de l’embargo des Nations unies. Il examine les déterminants politiques et sécuritaires de l’échec de la sanction onusienne afin de mettre en lumière la difficulté des Nations unies à coordonner les agendas des acteurs impliqués. Il commence par revenir sur les facteurs internes au pays, à savoir la faiblesse des autorités étatiques, les actions des milices ainsi que l’enracinement du commerce des armes et de la pratique du détournement. Il se penche ensuite sur les facteurs externes, en particulier la façon dont les dynamiques propres aux Nations unies handicapent la mise en œuvre de l’embargo et des mécanismes qui l’accompagnent.

  1. Les facteurs internes : la faiblesse des autorités régaliennes centrales

La chute du président Mohammed Siad Barre en 1991 marque le début du morcellement politique et territorial de la Somalie. Les mouvements victorieux ne parviennent pas à dépasser les divisions cultivées par l’ancien président et se disputent le pouvoir[8]. Dans la foulée, plusieurs régions font sécession. Entre le début et la fin des années 1990, le Somaliland, le Puntland et le Jubaland déclarent leur indépendance. Si un pouvoir central reste en place à Mogadiscio son emprise territoriale devient presque nulle. La déroute est telle que la situation en Somalie inspire l’apparition du concept d’« État failli »[9]. Le terme désigne un État « en proie à des difficultés telles qu’il n’est plus en mesure d’exercer ses responsabilités régaliennes et de jouer son rôle au sein de la communauté internationale[10] ». Depuis 2012, et l’établissement du Gouvernement fédéral somalien (GFS), les autorités centrales sont parvenues à reprendre le contrôle d’une partie de leur territoire. Malgré cela, le pays demeure « fragile ». L’instabilité qui s’est installée de façon structurelle depuis la guerre civile affecte la capacité du gouvernement à exercer son autorité sur le territoire, ce qui favorise la circulation incontrôlée et le détournement d’armes, qui alimentent le trafic.  

1.1.       Les effets durables de l’éclatement du pays 

L’éclatement du pays a rendu l’équilibre politique précaire et a incité la population civile à se procurer des armes. En l’absence d’une autorité politique capable d’assurer la sécurité collective, la quête d’une relative sécurité individuelle s’est imposée et enracinée dans les comportements. Cette quête se matérialise par l’achat d’armes, à titre individuel, par les civils. Elle se manifeste aussi par des affiliations claniques qui sont, d’une part, un substitut aux défaillances de l’État et, d’autre part, un facteur de délégitimation de son autorité. Cette « arsenalisation » par le bas de la société somalienne constitue encore aujourd’hui un défi.

La chute de Barre a donc précipité la multiplication des milices et la structuration de la société somalienne autour de ces groupes armés. Les miliciens sont apparus comme une alternative capable d’assurer une forme de sécurité que l’État n’était plus en mesure d’assumer. Cette demande de sécurité a nourri les trafics d’armements et la prolifération non contrôlée d’armes en Somalie. Elle a été soutenue par une « économie de guerre » florissante : « profondément ancrées dans l’économique politique de la Somalie, les milices ont fortement tendance à s’approprier l’autorité politique, à renforcer les formes autoritaires de pouvoir, à monopoliser les économies locales[11]». Les milices ont ainsi répondu à un besoin économique touchant particulièrement les plus jeunes, celui de l’emploi. L’intégration au sein d’un groupe armé devient un moyen de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, tout en garantissant un accès facilité aux armes et une force d’identité revalorisée au sein d’un groupe.

Un autre élément explique l’intégration des milices au tissu politique et social somalien : le recours aux groupes armés par les forces politiques du pays. Des membres de l’Alliance nationale somalienne (Somali National Alliance, SNA) utilisent l’autorité des milices pour peser sur les négociations avec le cœur du pouvoir, Mogadiscio. L’emprise des affiliations claniques et le système de loyauté découlant de celles-ci se sont répercutées sur la cohésion politique nationale : « Plutôt que de répondre à la chaîne de commandement militaire, de nombreuses unités locales de la SNA font preuve d’une plus grande loyauté envers les intérêts de leur propre clan[12] ». Certains clans ont par ailleurs accru leur composante militaire en réponse à une pratique répandue de pillage de ressources agricoles de la part d’unités de la SNA : « Les anciens des clans et les communautés locales ont renforcé leurs propres milices claniques pour se protéger non seulement des Shabaabs mais aussi de la SNA[13] ».

C’est là toute l’ambiguïté et la complexité du cas somalien. L’insécurité criante oblige toutes les parties à s’armer pour se défendre contre de multiples adversaires, dont les liens sont parfois difficiles à établir et répondent à des logiques subjectives, propres à chaque intérêt individuel. Ce cycle de violence et le climat délétère qui en découle oblige les civils à s’armer, renforçant de facto les milices. Finalement, ces dernières s’intègrent au tissu politique et sécuritaire somalien, au point que s’est posée la question de leur rôle auprès des structures gouvernementales et d’acteurs externes dans la lutte contre le terrorisme. En 2006, par exemple, les États-Unis s’appuient sur des miliciens et chefs de guerre regroupés au sein de l’Alliance pour le rétablissement de la paix et la lutte contre le terrorisme (ARPCT). Cette formation était chargée de contrer l’influence grandissante de l’Union des tribunaux islamiques, qui parviendra à contrôler la capitale somalienne en juillet 2006[14].

De manière globale, l’entité milicienne est devenue en Somalie un catalyseur des intérêts individuels et collectifs, sapant la légitimité étatique et l’idée même d’une autorité centrale. En compensant les faiblesses gouvernementales, elle contribue à alimenter l’insécurité, perpétue la violence et pérennise des activités illégales. En premières lignes du trafic d’armements, les milices sont parvenues à délégitimer le processus de désarmement en établissant un climat d’impunité ; climat qui touche aussi les sphères gouvernementales somaliennes, dont les schémas de corruption banalisent le détournement d’armes. 

1.2        La banalisation du détournement

La pratique visant à appliquer un embargo sur un territoire politiquement fragmenté interroge aussi les processus de maîtrise des armements, c’est-à-dire la mise en place de mécanismes visant à contrôler a posteriori l’utilisation et la destination des armes transférées vers la Somalie. En effet, à partir de juin 2001, les conditions de l’embargo sont assouplies. En effet, le Conseil de sécurité autorise la fourniture de matériel militaire non létal[15], puis, en février 2007, il limite la portée de l’embargo aux acteurs non étatiques et autorise l’envoi de matériel militaire servant au développement du secteur de sécurité et des institutions somaliennes[16]. Cette décision fait suite à l’établissement du Gouvernement fédéral de transition (GFT) quelques années plus tôt, en 2004, dans le but de réunifier les différentes provinces somaliennes face à la montée en puissance des milices al-Shabaab[17]. L’assouplissement de l’embargo entraîne logiquement un risque de reprise des détournements et des trafics. Afin de le limiter, le Groupe de contrôle – créé par le Conseil de sécurité en 2002 pour surveiller l’application de l’embargo[18] –, invite le GFT et la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) à « mettre en place chacun de son côté des systèmes efficaces de gestion et d’élimination des stocks d’armes[19] ».


Encadré 1. La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM)

La Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) est créée par le Conseil de paix et de sécurité l’Union africaine le 19 janvier 2007. Il s’agit d’une mission régionale de maintien de la paix visant à soutenir le Gouvernement fédéral de transition (GFT) à mettre en œuvre des stratégies de sécurité nationale, à former les forces somaliennes, et à contribuer au rétablissement d’un environnement sûr pour la distribution de l’aide humanitaire[20]. Reconnue par la Résolution 1744 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 21 février 2007, l’AMISOM a un mandat initial de six mois. Celui-ci sera renouvelé à plusieurs reprises, jusqu’à son remplacement par la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) le 1er avril 2022.


Pendant de nombreuses années, les structures institutionnelles somaliennes ne permettent pas la mise en place de mécanismes et procédures formelles et transparentes de traçage des armes comme recommandé par le Groupe de contrôle. La pratique de détournement au sein du GFT est d’ailleurs courante. En 2008, le Groupe de contrôle estime que 80 % des munitions arrivant sur les marchés noir et gris somaliens proviennent des stocks du GFT et des forces armées éthiopiennes[21]. Toujours la même année, il indique que « l’investissement international visant à consolider les forces de sécurité du Gouvernement fédéral de transition a été détourné à hauteur de 80 % à des fins autres que celles recherchées[22] » du fait de la désertion des recrues qui partaient en « emportant leurs armes, leurs munitions, leur uniforme et leurs compétences[23] ». Pour les experts, l’ancrage et la pérennisation d’un système de corruption participe à l’économie circulaire du commerce des armes, dont certains chefs militaires (y compris au sein du gouvernement et des contingents de l’AMISOM) n’ont pas intérêt à ce qu’il cesse aux vues des profits financiers importants qu’ils en tirent[24].

La faiblesse des mesures adoptées par le pouvoir central depuis le début de l’embargo a contribué à cet état de fait. En 1992, lorsque le Conseil de sécurité impose l’embargo, aucune précaution de contrôle des certificats d’exportation n’a été prise pour s’assurer que des ventes d’armes effectuées en dehors du territoire somalien n’ait pour utilisateurs finaux des Somaliens[25]. La responsabilité des pays voisins est souvent invoquée[26]. Des fonctionnaires éthiopiens, djiboutiens et yéménites ont, à plusieurs reprises, été mis en cause pour avoir fourni de faux certificats. Les armes théoriquement destinées à ces pays se retrouvaient sur les marchés de Bakaaraha et Mogadiscio, alimentant tant les factions claniques que les forces de sécurité somaliennes[27]. Les marchands d’armes pouvaient ainsi fournir du matériel militaire sans aucune vérification[28].

C’est d’ailleurs ce constat qui poussera le Conseil de sécurité à établir le Groupe de contrôle en 2002[29], notamment afin que celui-ci « formule des recommandations sur les mesures pratiques qu’on pourrait prendre pour faire encore mieux respecter l’embargo sur les armes[30] ». Au fil des années, le Groupe de contrôle fera de nombreuses recommandations dont certaines seront reprises par le Conseil de sécurité des Nations unies. En 2013, par exemple, la Résolution 2093 demande au Gouvernement fédéral somalien (GFS) – successeur du GFT à partir de 2012 – de rendre des rapports biannuels concernant les infrastructures et les procédures de stockage, d’enregistrement, de distribution, et d’utilisation des armes[31]. Ces rapports viennent se superposer à ceux, annuels, du Groupe de contrôle. Depuis 2014, les autorités somaliennes sont également tenues de fournir les numéros de série des armes et des munitions qui leur sont livrées. Une équipe conjointe de vérification – Joint Verification Team (JVT) en anglais – est également créée afin de régulièrement inspecter les stocks des forces gouvernementales, les relevés d’inventaire et la chaîne d’approvisionnement des armes[32].

L’ensemble de ces mesures marque une prise de conscience du Conseil de sécurité quant à la problématique du détournement en Somalie. Elles sont également révélatrices d’un certain changement d’attitude des Nations unies qui, tout en maintenant une certaine « tutelle » internationale sur la Somalie, cherche à responsabiliser davantage le gouvernement central.

1.3    La gestion des armes et des munitions : une prérogative gouvernementale qui reste à instaurer

Auparavant intégrée à la mission de l’AMISOM, la gestion des armes tend progressivement à devenir une mission exclusive du gouvernement somalien. C’est à partir de 2010, soit trois ans après sa création et l’assouplissement de l’embargo pour les armes destinées à soutenir les autorités centrales, que l’AMISOM commence à être impliquée dans la supervision du stockage et la distribution des armes et des munitions fournies au GFT[33]. Le but était de lutter contre la corruption sévissant en interne et, de cette façon, endiguer les détournements. En particulier, les commandes de matériels militaires sont soumises à l’AMISOM, qui les évalue et les valide en fonction des besoins[34].

Comme mentionné précédemment, trois ans plus tard, en 2013, le Conseil de sécurité commence à estimer que la Somalie a les capacités et la volonté de prendre en charge, au moins en partie, la gestion des armes et des munitions. Cette réévaluation de la situation fait suite à l’établissement, en 2012, du Gouvernement fédéral somalien qui fait naître un espoir de restructuration profonde de l’État au sein de la communauté internationale. L’embargo est, une nouvelle fois, assoupli[35]. Cette relative confiance du Conseil de sécurité est toutefois accompagnée de plusieurs exigences. Outre la remise de rapports biannuels et la mise en place de la JVT, les Nations unies imposent au gouvernement et à l’AMISOM de documenter et d’enregistrer l’intégralité du matériel militaire appartenant à l’adversaire et récupéré lors des affrontements[36]. Outre la gestion des stocks, cette mesure a également pour objectif d’identifier les armes utilisées par les milices, notamment Shabaab, et retracer leur origine. Au surplus, la récupération et mise hors service de ce matériel permet de le retirer du circuit illégal. En 2015, le GFS désigne l’Agence nationale de renseignement et de sécurité comme l’autorité chargée d’enquêter et de traiter les flux d’armes à Mogadiscio[37]. L’armée, quant à elle, se voit octroyée le même mandat en dehors de la capitale[38].

En 2018, une étape supplémentaire est franchie. Dans le cadre du processus de transition du contrôle des armements de l’AMISOM vers les forces de sécurité somaliennes, les Nations unies conviennent d’un plan permettant au GFS d’assumer davantage sa propre sécurité au travers de nouvelles initiatives de formation et de renforcement institutionnel[39]. Un an plus tard, en 2019, le gouvernement approuve une feuille de route qui affermit son contrôle sur la gestion des armes et des munitions sur le territoire somalien[40]. L’objectif reste d’empêcher la prolifération d’armes aux mains de factions ou groupes terroristes. La mise en place en 2020 d’un système comptable de traçage d’armes pour l’intégralité des forces de sécurité somaliennes doit y contribuer. Le gouvernement s’oblige ainsi à « consigner le type et le numéro de série de l’arme ou de la munition et photographier tous les articles et les marquages[41] ».

Ce n’est donc qu’au terme de longues années, d’un accompagnement suivi et d’une supervision ferme que le Gouvernement fédéral somalien a pu jouir de ses prérogatives régaliennes sur la sécurité et la défense. Ces évolutions se manifestent aussi par la mutation de l’AMISOM qui, le 1er avril 2022, est remplacée par la Mission africaine de transition en Somalie (ATMIS). Comme sa prédécesseuse, ATMIS a pour objectif de construire un système de sécurité résiliant. En revanche, elle cèdera complètement la responsabilité de la sécurité du territoire à l’armée et à la police somalienne d’ici 2024 et prévoit déjà un retrait progressif de ses troupes à partie de décembre 2022[42].

Si les Nations unies, y compris par l’entremise de l’Union africaine, ont accompagné le gouvernement tout au long de ce processus, leur action en Somalie ne s’est toutefois pas concrétisée par les résultats espérés. Dans sa première résolution relative à l’embargo sur les armes en 1992, le Conseil de sécurité prenait l’engagement de « rester saisi de la question jusqu’à qu’intervienne une solution pacifique[43] ». Trente ans plus tard, malgré des évolutions politiques et sécuritaires sur le terrain, la solution ne semble pas encore définitive. L’embargo est toujours en vigueur et le Conseil de sécurité inlassablement saisi de la question.

  1. Les facteurs externes à la Somalie 

Comme la première partie de cette note l’illustre, l’embargo et le mandat des Nations unies relatif au désarmement en Somalie a connu plusieurs évolutions. Il s’est adapté (ou a cherché à s’adapter) aux changements du contexte somalien. En parallèle, il a également dû accommoder des divergences d’approches et de vision quant à ses objectifs, qui ont très rapidement fait surface. Les différences d’agendas entre les nombreux acteurs institutionnels et étatiques impliqués ont impacté la capacité de l’embargo à rétablir la paix et la sécurité dans la région. La volonté des Nations unies était celle d’un désarmement global et général du territoire. Ce dessein fut toutefois mis à mal par les différentes strates d’implications, des bailleurs de fonds aux organes internes de l’organisation. Dans les faits, ces dissensions ont permis la perpétuation des détournements et des trafics. Elles expliquent, tout comme le climat d’instabilité qui s’est installé en Somalie et dans la région depuis le début des années 1990, les résultats mitigés de l’embargo sur les armes.

2.1    Un manque de soutien états-unien qui affecte la crédibilité du programme de désarmement

En 1992, confronté aux images de famine en Somalie et à une pression de sa population pour venir en aide aux civils, le président des États-Unis, George H. W. Bush, décide de créer une coalition internationale pour intervenir sur le sol somalien. L’opération Restore Hope débute officiellement le 3 décembre 1992 avec l’adoption de la Résolution 794 par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui autorise les États-Unis et tous les pays membres souhaitant se joindre à l’opération à « employer tous les moyens nécessaires pour instaurer aussitôt que possible des conditions de sécurité pour les opérations de secours humanitaire en Somalie[44] ».

En mars 1993, soit plus d’un an après le début de l’embargo sur les armes le 23 janvier 1992, 37 000 soldats (dont 26 000 Américains) sont déployés dans le centre et dans le sud du pays sous la bannière de la Force d’intervention unifiée (UNITAF)[45]. Arrivés sur place, les Américains comprennent vite que la situation sécuritaire sur le terrain n’est pas la même que celle décrite aux Nations unies. Peu après leur arrivée médiatisée sur les plages de Mogadiscio, ils sont confrontés à un événement particulièrement traumatisant pour la population et les autorités américaines : la bataille de Mogadiscio, le 3 octobre 1993[46]. Les combats font 18 morts au sein des forces spéciales américaines et plus de 300 côté somalien. Le 31 mars 1994, après les revers sanglants de l’opération en Somalie et à une pression accrue de son opinion publique pour se désengager, Bill Clinton annonce le retrait des troupes américaines. Cette décision de Washington, ainsi que celle de ne pas s’impliquer dans le processus de désarmement, porte vite atteinte à la crédibilité des actions onusiennes.  

La bataille de Mogadiscio ne fait qu’accentuer le souhait des États-Unis de limiter autant que possible leur implication dans le « bourbier » somalien. Leur approche est strictement humanitaire[47]. La stratégie américaine manque d’une vision à long terme et de la volonté de restaurer les institutions civiles en reconstruisant le système politique somalien. Cette attitude est aux antipodes de la philosophie onusienne selon laquelle tout effort de reconstruction politique ne peut procéder sans une stratégie en amont de désarmement. C’est en réalité, pour l’ONU, ce désarmement qui est un prérequis à toute forme ultérieure de rétablissement politique et de restauration durable de la paix et de la sécurité. Mais, sans le soutien des États-Unis, les Nations unies ne disposent pas des moyens nécessaires pour mettre leur programme de désarmement en œuvre. Les factions armées actives en Somalie sont aussi de cet avis. Le désengagement américain envoie un message clair aux factions somaliennes : les États-Unis n’interviendront pas pour régler les causes directes du conflit armé et, de fait, les trafics qui se pérennisent dans l’instabilité se poursuivront. En somme, l’échec de l’opération Restore Hope et le retrait précipité des États-Unis impactera les capacités d’initiatives des Nations unies et la confiance de la population locale dans la réalisation du processus de désarmement. 

Dans la pratique, le manque de soutien américain se fait rapidement sentir. Le 4 mai 1993, les responsabilités d’UNITAF sont transférées à l’Opération des Nations unies en Somalie II (ONUSOM II)[48]. Avec un support matériel et financier en provenance de Washington moindre, cette nouvelle phase de l’intervention onusienne en Somalie peine à atteindre ses buts. Au surplus, la politique de « non-confrontation » – c’est-à-dire cherchant à ne pas prendre une part active au conflit – des missions onusiennes est interprétée comme une faiblesse par les chefs de guerre somaliens[49]. Ils utilisent le départ des troupes américaines en 1994 pour accroître leur influence sur la population[50]. L’absence d’une stratégie de désarmement soutenue par les États-Unis est l’un des premiers obstacles que l’organisation internationale rencontre dans la réalisation de sa mission somalienne. Ce ne fut pas le seul. Le Conseil de sécurité sera particulièrement marqué par les échecs successifs de ses missions de rétablissement de la paix en Somalie, entre 1991 et 1995. Cette dynamique cristallisera le manque d’implication de l’organe onusien dans l’application des sanctions relatives à l’embargo. 


Encadré 2. ONUSOM I, UNITAF et ONUSOM II

En trois ans (1992-1995), les Nations unies ont autorisé le déploiement de trois missions sur le territoire somalien. La première, ONUSOM I, vise à surveiller la mise en œuvre du cessez-le-feu en Somalie. Elle durera neuf mois, d’avril 1992 à décembre 1992. La seconde, UNITAF, espère l’imposition de la paix sur le territoire national. Sous les auspices des Nations unies et sous le commandement direct des États-Unis, l’opération Restore Hope vise à assurer la distribution de l’aide humanitaire en permettant l’emploi de la force armée. L’opération débute le 3 décembre 1992. Entravée par les conflits internes et des attaques ciblées des factions belligérantes sur les forces internationales, la mission s’achève en mai 1993. Surtout, la mission n’aura pas permis d’engager un véritable processus de reconstruction politique. ONUSOM II, créée par la Résolution 814 (1993) du Conseil de sécurité prend la relève d’UNITAF. L’objectif est le même : sécuriser et assurer la distribution de l’aide humanitaire mais son mandat est élargi. Au-delà de l’opération humanitaire, la mission vise à favoriser le rétablissement d’un pouvoir politique en désarmant les factions rivales. En 1994, la Résolution 897 modifie son mandat en excluant l’emploi de méthodes coercitives. La mission prend fin en mars 1995, sur fond d’attaques contre les forces internationales et de bavures de celles-ci. Incapables d’atteindre leurs objectifs, les missions onusiennes auront surtout révélé une méconnaissance profonde des réalités du théâtre somalien.


2. 2 La volonté limitée du Conseil de sécurité d’établir un cadre de sanction strict

La lecture des rapports annuels du Groupe de contrôle met en évidence un autre obstacle majeur à la bonne application de l’embargo : le manque de volonté de la part du Conseil de sécurité de poursuivre et d’appliquer les recommandations du Groupe. De 1992 jusqu’à 2008, le Conseil se contente souvent de rappeler aux membres de l’Organisation de respecter l’embargo sans toutefois adopter des mesures claires à l’encontre des États et des individus impliqués dans les transfert et trafics illicites de matériel militaire. L’inaction ne provient pas uniquement du Conseil, mais aussi du Comité des sanctions contre la Somalie établit dès 1992[51].


Encadré 3. Le Comité des sanctions contre la Somalie

Le Comité des sanctions est l’organe visant à surveiller l’application des mesures prises par le Conseil de sécurité des Nations unies. Généralement créé par la résolution initiant les sanctions, le Comité est composé de l’ensemble des représentants des 15 membres du Conseil de sécurité. L’organe examine la mise en œuvre des sanctions dans l’ordre juridique interne des États ciblés. Cet examen passe en premier lieu par l’étude des rapports des États membres et des groupes d’experts sur l’application des sanctions. Le rôle du Comité des sanctions a évolué, notamment dans le cas de la Somalie, où il s’est pourvu d’une initiative de recherche d’informations. De fait, le Comité est en mesure de demander aux États une totale transparence quant aux dispositions d’application des sanctions. Le Comité exerce donc une fonction de contrôle et d’intermédiaire dans l’échange des informations entre les États et les organes subsidiaires onusiens. Le Comité crée également la liste des sanctions désignant les personnes et les entités visées par les sanctions. Les États membres peuvent adresser au Comité leurs demandes de retrait de cette liste. Enfin, le Comité peut demander au Conseil de sécurité l’envoi d’experts indépendants sur le territoire des États sanctionnés afin de contrôler d’éventuelles violations.


Cette passivité se perpétue pendant les dix premières années de l’embargo. En raison de la portée limitée de son mandat, le Comité doit se reposer sur la coopération des organisations régionales et des États pour avoir accès aux informations pertinentes. En 2000, huit ans après la Résolution 733, il sollicite notamment l’assistance de l’Organisation de l’unité africaine (OUA)[52] et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)[53] pour s’assurer de la bonne application de l’embargo. C’est dans ce cadre et sous l’égide de l’IGAD que sera créée la Mission d’appui à la paix pour en Somalie (IGASOM) en 2005, laquelle sera remplacée par l’AMISOM à partir de 2007 et par ATMIS depuis 2022. Si elle traduit la volonté d’impliquer davantage les acteurs régionaux, cette décision met aussi en lumière l’incapacité de l’ONU à superviser, seule, le programme de désarmement.   

C’est de ce constat d’insuffisance que naîtra, en parallèle, le Groupe de contrôle et d’expertise sur la Somalie afin d’épauler le Comité des sanctions des Nations unies contre la Somalie. Composé de six experts basés à Nairobi au Kenya, ce groupe a pour mission de surveiller l’application et d’évaluer les mesures prises par les autorités somaliennes et les États de la région pour respecter intégralement l’embargo sur les armes. À cette fin il dispose du pouvoir de mener des recherches de terrain en Somalie et dans les pays voisins. Agissant sous la supervision du Comité, le travail de veille et d’analyse du Groupe de contrôle fait l’objet d’un rapport annuel au Conseil de sécurité, lui permettant d’avoir accès à des informations de premier ordre sur les personnes et entités violant l’embargo. Sur la base de son rapport annuel, le Groupe de contrôle est, en outre, chargé de formuler des recommandations au Comité des sanctions et au Conseil de sécurité[54].

Sauf que si le Groupe exerce un rôle proactif dans la surveillance des violations, ces recommandations ont souvent du mal à être entendues par le Conseil de sécurité. Le Comité de sanction ne se cache pas de ce peu de prise en considération des suggestions du Groupe. À titre d’illustration, celui-ci déclare en 2007 avoir décidé « de ne prendre aucune nouvelle disposition touchant les recommandations exposées dans les rapports précédents du Groupe de contrôle[55] ». Ce manque de réactivité détonne au regard de l’approche onusienne consistant à apposer des sanctions ciblées contre les individus violant les embargos[56]. Surtout, cela contredit complètement les objectifs ambitieux de désarmement des Nations unies. Il faut attendre 2008 pour que le Conseil de sécurité adopte réellement des mesures coercitives à l’encontre des entités et personnes pointées du doigt dans les rapports du Groupe de contrôle. L’absence de sanctions pendant près de 16 ans a eu des répercussions durables sur les transferts illicites d’armes par les gouvernements étrangers aux forces de sécurité de la Somalie et aux factions actives sur le territoire.

2.3 Les dynamiques régionales comme élément de complication

Le respect d’un embargo dépend en premier lieu de la capacité et de la volonté des États de le respecter. Nombre d’États se sont ingérés dans le conflit somalien en soutenant par des exportations d’armes les différentes parties au conflit. Ce soutien militaire est un autre facteur expliquant les résultats mitigés de l’embargo. La mise en lumière du rôle des États voisins dans la prolifération continue des armements en Somalie est probablement un des apports principaux du travail du Groupe de contrôle. Deux pays sont tout particulièrement visés : l’Éthiopie et l’Érythrée[57]. En 2009, la décision de soumettre, à son tour, l’Érythrée à un embargo sur les armes est une première mesure ciblée pour lutter contre les violations de l’embargo somalien[58].

Le transfert d’armements par des acteurs extérieurs, notamment étatiques, a plusieurs conséquences. Il perpétue l’approvisionnement des marchés noir et gris en Somalie. Comme expliqué précédemment, même le matériel militaire livré aux forces centrales de sécurité se retrouve fréquemment dans les circuits illégaux. Les armes s’insèrent, nourrissent et pérennisent l’économie de guerre locale et les cycles de violences qui gangrènent la Somalie depuis le début des années 1990.

En outre, il faut souligner que les transferts ne se font pas toujours directement des pays voisins vers la Somalie. La prolifération des armes dans le pays est aussi tributaire de l’instabilité qui sévit dans la région, notamment au Yémen. La région du Puntland, qui fait la jonction entre le golfe d’Aden et l’océan Indien, serait ainsi un des principaux points d’entrée des armes. Il s’agirait essentiellement de munitions, d’armes légères et de petit calibre ainsi que d’engins explosifs improvisés, détournés a posteriori[59]. Des mitrailleuses et des munitions originellement destinées aux Émirats arabes unis, à l’Arabie saoudite et aux forces américaines présentes dans la région auraient ainsi été retrouvées en Somalie[60]. De la même façon, un rapport de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale (GI-TOC) a établi un parallèle entre des armes iraniennes, initialement fournies aux Houthis dans le cadre du conflit au Yémen, et du matériel retrouvé sur le sol somalien. Ces informations sont corroborées par les autorités fédérales du Puntland qui font part de leurs saisies au Groupe de contrôle[61].

Ces armes sont introduites clandestinement par voie maritime et se retrouvent principalement entre les mains des milices al-Shabaab, qui les achèteraient directement à des négociants et marchands actifs dans le golfe d’Aden[62]. En outre, aux 24 millions USD dépensés annuellement par ces milices pour l’achat de matériel militaire s’ajoute 1,8 millions USD pour la fabrication artisanal d’explosifs[63]. Depuis 2017, le groupe terroriste fabrique ses propres engins explosifs improvisés (EEI) en utilisant des composants aux caractéristiques pyrotechniques récupérés, entre autres, sur des munitions[64].

La poudre noire n’est pas la seule façon de construire des EEI : de nombreux engrais, nécessaire à l’agriculture, ont des propriétés explosives bien connues. Ce défi supplémentaire a amené à une actualisation de l’embargo. En 2020, le Conseil de sécurité décide que les États « empêcheront la vente, la fourniture ou le transfert direct ou indirect des articles (…) s’il existe des preuves pour montrer que les composants seront utilisés pour fabriquer des engins explosifs improvisés en Somalie[65] ».

La prolifération et le trafic illicite d’armes en Somalie s’inscrit ainsi dans des dynamiques régionales complexes. Cette réalité enraye encore davantage la capacité de l’ONU à atteindre ses objectifs de désarmement.

Conclusion 

Si l’embargo sur les armes en Somalie est le plus long imposé par les Nations unies, il est également celui dont le bilan est le plus mitigé. En 2007, le Groupe estimait que le nombre et la diversité des armes était plus importants qu’au début des années 1990[66]. Un an plus tard, en 2008, le Conseil de sécurité tirait un bilan amer de l’embargo, considérant que « la Somalie est probablement l’exemple le moins réussi de sanctions imposées par le Conseil[67] ». Si le Conseil a rencontré des difficultés à modifier sa stratégie en Somalie, les initiatives engagées ces dernières années en termes de gestion des stocks et d’enregistrement des armes sont plus en accord avec la réalité et les particularités de la situation en Somalie.

L’étude du cas somalien interroge toutefois de manière plus générale sur les mécanismes d’accompagnement des embargos onusiens, et leur efficacité. Ces mécanismes ont évolué pour mieux répondre à la nécessité de rendre compte des violations sur le terrain. La création de groupes de contrôle est une avancée significative sur le chemin de la transparence. L’objectif de ces instances semblent néanmoins perdre de leur intérêt si le Conseil de sécurité ne prend pas en compte leurs recommandations. Le système de sanction onusien nécessite donc une approche globale et coordonnée en interne, afin d’être efficace à l’international.

Les singularités du cas somalien nous éclairent aussi sur la nécessité d’adapter et de personnaliser le système de sanctions à chaque situation. Les embargos doivent avoir une structure évolutive permettant de répondre au contexte politique et sécurité des États et de leur région au fil des années. Enfin, l’implication de l’État concerné est indispensable et les capacités des forces de sécurité nationales doivent être renforcées pour progressivement diminuer le nombre de violations. Une pleine autonomie de la sanction en elle-même, sans coordination nationale, régionale et internationale, sans moyens de contrôle et mécanisme d’accompagnement est nécessairement compromise. 

Auteure

Philippine Sottas est assistante de recherche au GRIP. Elle est doctorante contractuelle au Laboratoire de Droit International et Européen (LADIE) de l’Université Côte d’Azur et diplômée d’un master en Sécurité internationale, Défense et Intelligence économique

Annexe 1. Évolution de l’embargo onusien sur les armes en Somalie

Dates Modifications majeures de l’embargo sur les armes
Janvier 1992 La Résolution 733 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité, établi un embargo total sur les armes contre la Somalie.
Juin 2001 La Résolution 1356 du Conseil de sécurité autorise des exemptions à l’embargo pour la fourniture d’équipements militaires non létaux destinés à être utilisés dans des opérations humanitaires.
Juillet 2002 La Résolution 1425 du Conseil de sécurité clarifie la portée de l’embargo, indiquant qu’il interdit le financement des acquisitions d’armes et la vente directe ou indirecte ou la fourniture de conseils techniques ou de formation militaire.
Décembre 2006 La Résolution 1725 lève partiellement l’embargo en autorisant l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et les États membres de l’Union africaine à déployer une force d’intervention régionale pour protéger le gouvernement fédéral de transition (GFT) et armer les forces de sécurité du GFT.
Février 2007 La Résolution 1744 du Conseil de sécurité limite l’embargo aux acteurs non étatiques. La fourniture d’armes et d’équipements militaires destinés à développer les institutions somaliennes du secteur de la sécurité est autorisée, sous réserve que le comité des sanctions sur la Somalie ait été informé à l’avance au cas par cas des transferts.
Novembre 2008 La Résolution 1844 du Conseil de sécurité modifie l’embargo sur les armes pour cibler les entités ayant violé l’embargo ou entravé l’acheminement de l’aide humanitaire à destination de la Somalie.
Décembre 2009 L’Organisation des Nations unies impose un embargo à l’Érythrée, en partie suite aux violations récurrentes de l’embargo sur les armes imposé à la Somalie.
Mars 2013 La Résolution 2093 du Conseil de sécurité modifie les restrictions et les procédures relatives à la fourniture d’armes au gouvernement somalien tout en maintenant l’embargo contre les acteurs non étatiques.
Octobre 2014 La Résolution 2182 du Conseil de sécurité réaffirme l’embargo sur les armes et autorise, pour une durée de 12 mois, les États à inspecter les eaux somaliennes ou en haute mer les navires à destination de la Somalie suspectés de transporter des armes. Le Conseil exige que les États empêchent la fourniture d’une liste de matières explosives spécifiées, de précurseurs d’explosifs, d’équipements liés aux explosifs à la Somalie s’il existe des preuves que ceux-ci soient utilisés.
Novembre 2016 La Résolution 2317 engage le Gouvernement fédéral somalien à améliorer le respect des délais et le contenu des notifications concernant les livraisons, et les unités destinataires au moment de la distribution des armes et des munitions importées.
Novembre 2020 La Résolution 2551 décide que les armes et le matériel militaire vendus ou fournis aux seules fins du développement des Forces nationales de sécurité somaliennes ou de la mise en place des institutions somaliennes du secteur de la sécurité autres que ceux du Gouvernement fédéral somalien ne sauraient être revendus, transférés ou utilisés par aucune personne ou entité n’étant pas au service de la sécurité auxquelles ils ont été initialement vendus ou fournis.

Source : Base de données du GRIP, 2022

[1]. ADIBE Clément, Managing Arms in Peace Processes : Somalia, Disarmament and Conflict Resolution Project, United Nations Institute for Disarmament Research, 1995, p. 6.

[2]. L’Ogaden est une région éthiopienne frontalière de la Somalie que celle-ci a voulu annexer, sans y parvenir.

[3]. Pour plus d’informations sur ces années de conflits internes et sur l’implication des groupes armés parties au conflit, voir l’article de MABIRE Jean-Christophe, « Somalie, l’interminable crise », publiée dans le n° 111 d’Hérodote, en 2003.

[4]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 3 juillet 2002, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, document officiel, 3 juillet 2022.

[5]. Le marché gris « correspond à des ventes d’armes exploitant les failles juridiques ou contournant les obligations légales et impliquant souvent des agents gouvernementaux ». ROUDAUT Mickaël, « Armes : un trafic au confluent du crime organisé, du terrorisme et de la raison d’État », Marchés criminels, 2010, p. 147-172.

[6] Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 733 (1992), Nations unies, 23 janvier 1992, § 5.

[7]. Sur huit mois de recherche en 2021, les experts de l’Initiative globale contre le crime organisé ont répertorié plus de 400 armes illicites sur 13 zones somaliennes. BAHADUR Jay, « An Iranian fingerprint? Tracing type 56-1 assault rifles in Somalia », Global Initiative Against Transnational Organized Crime, 2021.

[8]. « Somalie: deux mois après la chute du président Syad Barré Le pays est en proie à l’anarchie et son unité plus que jamais menacée », Le Monde, 4 avril 1992.

[9]. VÉRON Jean-Bernard, « La Somalie : cas d’école des États dits « faillis » », Politique étrangère, 2011/1, p. 46.

[10]. France terme, « État failli », Journal officiel du 4 mars 2012.

[11]. BROWN-FELBAB Vanda, « The problem with militias in Somalia: almost everyone wants them despite their dangers », Hybrid conflict, hybrid peace, Centre for Policy Research, United Nations University, 2020, p. 114.

[12]. Ibid, p. 115.

[13]. Ibid, p. 115.

[14]. KAPLAN Eben, « Somalia’s high stakes power struggle », Council on Foreign Relations, 3 août 2006.

[15]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 1356 (2001), 19 juin 2001, § 3.

[16]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 1744 (2007), 20 février 2007, § 6.

[17]. Le GFT sera remplacé par le Gouvernement fédéral de Somalie (GFS) en 2012, à la suite de la promulgation de la nouvelle constitution élaborée par le GFT.

[18]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 1407 (2002), 3 mai 2002, § 1.

[19]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie communiqué conformément à la Résolution 1766 (2007) du Conseil de sécurité, 24 avril 2008, § 255 g), p. 55.

[20]. Voir notamment : Status of Mission Agreement between the Transitional Federal Government of the Somali Republic and the African Union on the African Union Mission to Somalia (AMISOM), Addis Ababa, 6 mars 2007, §§ 5-6, p. 4.

[21]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie communiqué conformément à la Résolution 1766 (2007) du Conseil de sécurité, 24 avril 2008, p.29.

[22]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie communiqué conformément à la Résolution 1811 (2008) du Conseil de sécurité, 10 décembre 2008, § 173, p. 41.

[23]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie établi en application de la Résolution 1853 (2008) du Conseil de sécurité, 10 mars 2010, § 194, p. 60.

[24]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle du 24 avril 2008, op. cit., § 248, p. 54.

[25]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 4 novembre 2003, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, 4 novembre 2003.

[26]. Voir infra point 2.3.

[27]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 11 août 2004, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, Nations unies, 11 août 2004, p.13.

[28]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 25 mars 2003, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, Nations unies, 25 mars 2003.

[29]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 1407 (2002), 3 mai 2002, 3e considérant.

[30]. Ibid., § 1.

[31]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2093 (2013), 6 mars 2013, § 39, p. 9.

[32]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2182 (2014), 24 octobre 2014, § 7.

[33]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie et l’Érythrée établi en application de la Résolution 1916 (2010) du Conseil de sécurité, 18 juillet 2011, § 133, p. 47.

[34]. Ibidem

[35]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2111 (2013), 24 juillet 2013, § 6.

[36]. UNIDIR, Toward a national framework for arms and ammunition management in the Federal Republic of Somalia, Report 2014-2017.

[37]. Ibid. §1.2.

[38]. Ibid. § 5.6.2.

[39]. International Peace Institute, « Transitioning to National Forces in Somalia: more than an exit for AMISOM », Issue brief, avril 2019.

[40]. Panapress, « Somalia endorses roadmap to deny terrorists access to arms », 5 juillet 2019.

[41]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2551 (2020), 12 novembre 2020, § 8.

[42]. Amani Africa, « Ministerial session on the situation in Somalia and operations of ATMIS », 27 juillet 2022.

[43]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 733 (1992), 23 janvier 1992, § 11.

[44]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 794 (1992), 3 décembre 1992, § 10.

[45]. BAYNHAM Simon, « Somalia: Operation Restore Hope », Africa Insight, vol. 23, n° 1, 1993, p. 20.

[46]. Pour en savoir plus sur cette bataille, voir SANGVIC Roger, « Battle of Mogadishu: Anatomy of a failure », School of Advanced Military Studies, 1998.

[47]. BAYNHAM Simon, op cit., p. 20. Voir également ADIBE Clément, « Learning from the failure of disarmament and conflict resolution in Somalia », MOXON-BROWNE Edward (dir.), A future for Peacekeeping?, Macmillan Publishers Limited, 1998, p. 118-157.

[48]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 814 (1993), 26 mars 1993.

[49]. CLARKE Walter, « Testing the World’s Resolve in Somalia », Parameters, vol. 23, 1993, p. 50.

[50]. Ibid., p. 50.

[51]. Le Comité du Conseil de sécurité, conformément à la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, supervise les mesures de sanctions imposées par le Conseil de sécurité.

[52]. L’Organisation de l’Unité africaine (OUA) est une organisation inter-gouvernementale régionale. Créée en 1963, elle est remplacée en 2002 par l’Union africaine (UA). L’UA compte actuellement 55 membres. Pour plus d’informations, consulter le site officiel de l’UA.

[53]. L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) est une organisation inter-gouvernementale régionale qui voit le jour en 1986. Elle est regroupe sept États Est-Africains : Djibouti, Éthiopie, Kenya, Somalie, Soudan, Soudan du Sud (depuis 2011) et Ouganda. L’Érythrée a été membre de 1993 jusqu’à 2007. L’organisation a pour mission d’œuvrer à la coopération régionale et à l’intégration économique des États membres. Pour plus d’informations, consulter le site officiel de l’IGAD.

[54]. DE TESSIÈRES Savannah, SHIOTANI Himayu, SEETHALER Franziska et WILKIN Sebastian, « Applying conventional arms control in the context of United Nations arms embargoes », United Nations Institute for Disarmament Research, 2018.

[55]. Conseil de sécurité des Nations unies, Rapport annuel du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, 26 décembre 2007, § 9, p. 3.

[56]. Selon l’article 41 de la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité « peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ».

[57]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 17 juillet 2007, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, 26 juillet 2007. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 21 novembre 2006, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la Résolution 751 (1992) concernant la Somalie, 22 novembre 2006.

[58]. Conseil de sécurité, « Le Conseil de sécurité impose une série de sanctions à l’égard de l’Érythrée, accusée de soutenir des groupes armés menant des activités de déstabilisation en Somalie », 23 décembre 2009.

[59]. SCHWARZ Matthias « Arms transfers in the Gulf of Aden: Shining the spotlight on regional dynamics », Peace Research Institute Frankfurt, n° 6, 2021.

[60]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 5 octobre 2021, adressée au Président du Conseil de sécurité par la Présidente du Comité du Conseil de sécurité faisant suite à la Résolution 751 (1992) sur la Somalie, Nations unies, 6 octobre 2021. 

[61]. Conseil de sécurité des Nations unies, ibid, p. 26.

[62]. PETRICH Katherine, « Guns, pirates and charcoal », Global Initiative Against Transnational Organized Crime, 18 décembre 2018.

[63]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 28 septembre 2020, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite à la Résolution 751 (1992) sur la Somalie, Nations unies, 28 septembre 2020, p. 9.

[64]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 1er novembre 2019, adressée au Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite à la Résolution 751 (1992) sur la Somalie, par le Groupe d’experts sur la Somalie, Nations unies, 1er novembre 2019, p. 5.

[65]. Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2551 (2020) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8775e séance, Nations unies, 12 novembre 2020, par. 26, p. 9.

[66]. Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre datée du 17 juillet 2007 du Conseil de sécurité faisant suite à la Résolution 751 (1992) sur la Somalie adressée au Président du Conseil de sécurité, Nations unies, 26 juillet 2007.

[67]. Special Research Report, « Anatomy of a sanctions regime: a case study of sixteen years of failed efforts to effectively implement sanctions in Somalia », Security Council Report, 16 septembre 2009, p. 3.

Crédit photo : A young woman holds the Somali flag during a demonstration by a local militia, formed to provide security in Marka, Somalia.30 April 2014. UN Photo/Tobin Jones

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