L’Afrique des minerais stratégiques – Du détournement des richesses à la culture de la guerre

La mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui n’est pas sans conséquence sur l’émergence des facteurs d’insécurité qui dominent le paysage politique. Ces facteurs, au nombre de quatre, ont déjà été identifiés par les chercheurs du Oxford Research Group à Londres* : la compétition accrue pour les ressources, la militarisation globale, le changement climatique, et la marginalisation d’une large partie de la population mondiale.

Ces facteurs méritent non seulement d’être répertoriés, mais aussi additionnés. Ils sont tellement interconnectés qu’il serait inapproprié de les dissocier. Ce rapport développe la question de la compétition féroce pour l’accès aux ressources, en zoomant sur la situation qui prévaut sur le continent africain, un échantillon représentatif d’une situation qui se généralise. Cette course effrénée aux énergies fossiles et richesses minières mobilise les faiseurs de guerres, fait parler la poudre, donc contribue à la militarisation (2e facteur).
Cette militarisation – qui est une tendance lourde – tire profit de l’extraction des ressources, attise de nouvelles convoitises et accélère d’autant le dérèglement climatique (3e facteur), dont le chaos risque à son tour de déclencher l’intervention de forces armées.  Ce « climate change » constitue à son tour un multiplicateur de menaces, en raison de l’interaction explosive entre super-extractivisme et crise climatique. Mais ces deux facteurs, sur fond de militarisation et d’exclusion, s’imbriquent aux deux autres. L’acharnement pour s’approprier les matières premières et minerais stratégiques par la violence des prédateurs appauvrit les démunis.
Pire encore, il accélère le processus de marginalisation d’une partie croissante des populations dans le monde, contribue à l’exclusion politico-économique (4e facteur), qui se manifeste à travers la prolifération des déplacés, des réfugiés (climatiques ou non) et d’États fragiles, dont 8 sur 12 se situent sur le continent africain. Ce « rideau de fer des inégalités », selon l’expression d’Amartya Sen**, suscite en ricochet des dérives militaristes, y compris les mesures contestables de sécurisation.
* Les chercheurs du Oxford Research Group à Londres sont Chris Abbott, Paul Rogers et John Sloboda, Beyond Terror: The Truth About the Real Threats to Our World, Random House, avril 2007.
** Sen Amartya, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté. Paris, Odile Jacob, Poche, 2003.

 

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Jean-Marie Collin est un consultant indépendant sur les questions de défense et de sécurité internationale, avec une expertise plus particulière dans les domaines du contrôle des armements, de la dissuasion nucléaire, de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, ce qui lui a permis de participer à l’ensemble du processus (2010/2017) dit de « l’initiative humanitaire » et de négociation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. L’Arctique est aussi l’une de ses autres aires de recherches.

Il est également expert/porte-parole pour ICAN France, branche française de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, organisation prix Nobel de la paix 2017 et chercheur associé auprès du GRIP. Il intervient également dans des établissements d’enseignement supérieur.

Auteur de nombreux articles et livres, son dernier livre « L’illusion nucléaire : la face cachée de la bombe atomique » (co-auteur avec P. Quilès, M. Drain) a été publié en mai 2018. On peut retrouver ses analyses sur son blog Défense – Géopolitique de la revue Alternatives Economiques.