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De la parole aux armes : la guerre en Ukraine et le langage du pouvoir russe

La guerre, en tant que phénomène politique et social, ne se résume pas à une confrontation armée ; elle s’accompagne d’un travail de légitimation et d’une construction narrative qui en justifie la nécessité. Le pouvoir symbolique, cet invisible qui impose un sens, joue un rôle fondamental dans la mise en discours du conflit en  façonnant les perceptions et en structurant les représentations collectives. L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne fait pas exception : elle s’inscrit dans un récit élaboré, où les mots deviennent des armes et les discours, des instruments de pouvoir.

Loin de se limiter à une explication ou une représentation d’une volonté politique, le discours est lui-même une manifestation du politique. Il ne suffit donc pas d’analyser ce qui est dit, il faut encore comprendre comment ces énoncés participent à la production du réel. Dès lors, aborder les prises de parole de Vladimir Poutine permet de saisir certaines logiques sous-jacentes qui structurent la politique russe et, par extension, de mieux appréhender le conflit en cours et les constructions de sens qui le façonnent. Le discours ne se limite en effet pas à accompagner l’action militaire, il en est une composante stratégique à part entière. En conditionnant les représentations collectives, il oriente la manière dont la guerre est perçue, vécue et justifiée, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Russie. Cette dimension performative rappelle que la parole politique n’est jamais neutre : elle produit du réel, façonne les imaginaires et tente de circonscrire les interprétations.

Décrypter plutôt la cohérence du discours russe

Dans les sphères médiatiques et diplomatiques occidentales, l’offensive russe en Ukraine a parfois été présentée comme étant un acte irrationnel, le produit d’une dérive autocratique ou encore d’un souverain ayant perdu le sens des réalités. Dans cette perspective, qualifier ses prises de parole d’irrationnelles revient à ignorer la logique de pouvoir qui les traverse et les fonctions qu’elles remplissent dans la consolidation du régime. Or, si cette grille de lecture s’inscrit dans une stratégie narrative visant notamment à justifier les sanctions et mesures prises à l’encontre de Moscou, elle demeure insuffisante pour comprendre la dynamique du conflit.

« Il est plus pertinent d’interroger la cohérence du discours du président russe, d’en décrypter les continuités et d’identifier les ressorts de sa logique interne »

À l’inverse, il est plus pertinent d’interroger la cohérence du discours du président russe, d’en décrypter les continuités et d’identifier les ressorts de sa logique interne. Ceci permet de dépasser l’image d’un dirigeant imprévisible pour y voir une construction cohérente, destinée à justifier la guerre, à maintenir la cohésion interne et à redéfinir la place de la Russie dans l’ordre international.

Appréhender les représentations

L’objectif de cet éclairage est précisément de jeter les bases d’une analyse de la construction discursive de la guerre en Ukraine dans la bouche de Vladimir Poutine. En s’appuyant sur un corpus composé de discours prononcés par le président russe depuis le début du conflit jusqu’au sommet russo-américain d’août 2025 en Alaska, le texte explore plusieurs questions essentielles : comment la guerre en Ukraine a été progressivement qualifiée et exprimée par le président Russe ? Comment une figure d’ennemi s’est progressivement construite à travers ses prises de parole ? Et enfin : quelle place est accordée, explicitement ou implicitement, aux perspectives de paix ?

« L’analyse de ces éléments permet de mieux comprendre la manière dont la guerre est pensée et mise en récit par le Kremlin »

L’analyse de ces éléments permet de mieux comprendre la manière dont la guerre est pensée et mise en récit par le Kremlin. Dans un contexte où les négociations de paix sont évoquées de manière plus insistante (même en l’absence de progrès tangibles), il est utile de décrypter le langage du pouvoir russe pour y déceler les éventuelles ouvertures diplomatiques et anticiper les trajectoires possibles du conflit. Comprendre les mots employés, c’est aussi appréhender les représentations qu’ils véhiculent et les stratégies qu’ils sous-tendent, ceci afin de mieux saisir les logiques de pouvoir qui façonnent le présent et dessinent l’avenir du conflit.

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