Institution spécialisée dans l’étude des armes légères, le Small Arms Survey estimait en 2012 à plus de 875 millions le nombre d’armes légères et de petit calibre (ALPC) en circulation dans le monde, dont la plus grande partie est aux mains de civils (650 millions) et se trouve aux États-Unis (34% du total). Et ce chiffre ne cesse de croître car le nombre d’armes produites excède largement la quantité d’armes détruites ou mises hors services. En 2013, on estime qu’entre 18 et 23 millions de nouvelles armes sont arrivées sur le marché à travers le monde (dont 14 millions rien qu’aux États-Unis)[1].

Des millions d’armes et des milliards de dollars

Plus de 1 000 entreprises dans près de 100 pays produisent des armes légères et de petit calibre et leurs munitions. Rien qu’aux États-Unis, plus de 10,8 millions d’ALPC ont été produites en 2013, avec une moyenne annuelle de plus de 7,8 millions entre 2010 et 2013, un chiffre en augmentation de 78% par rapport à la période 2006-2009[2].

Les informations de cet éclairage sont tirées du rapport annuel du GRIP, Dépenses militaires, production et transferts d’armes – Compendium 2016 

Crédit photo : ComNat-ALPC

Le commerce des ALPC est un marché en constante augmentation depuis le début du siècle[3]. La valeur globale des transferts des ALPC s’est élevée à 5,8 milliards USD en 2013, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2012 et un doublement en dix ans[4]. Selon certaines études, il s’agit d’un marché estimé à 15,75 milliards USD en 2014 et qui devrait atteindre plus de 22 milliards en 2023[5]. Le marché des munitions uniquement est estimé à 6,4 milliards USD en 2014[6].

Les munitions : le combustible des conflits

Lors d’une étude de 2012 sur la répartition de la valeur financière du commerce international entre quatre sous-catégories d’ALPC (armes de petit calibre, armes légères, pièces et composants, munitions)[7], le Small Arms Survey a estimé que le commerce des munitions pèse à lui seul plus lourd que les trois autres catégories réunies. Ce constat rappelle le rôle incontournable des munitions qui, à la différence des armes, sont à usage unique. Sans elles, les armes ne sont pas d’une grande utilité. Dès lors, leur caractère à la fois éphémère et essentiel en fait une denrée très convoitée en zones de guerre, de tensions ou de criminalité. Les munitions sont donc bel et bien le combustible des conflits[8].

Les tendances en matière de commerce des ALPC en 2013

Les transferts internationaux autorisés d’ALPC sont concentrés dans les mains d’une vingtaine de pays : une poignée d’États réalisent plus de 80% des exportations et importations mondiales de ce type d’armement. Les États-Unis, qui occupent la première place tant des exportations que des importations, dominent largement le marché des armes légères.

Les dernières données complètes datent de 2013. Cette année-là, 16 pays ont exporté pour au moins 100 millions USD d’armes légères. La valeur de leurs exportations combinées se monte à 4,8 milliards USD en 2013 (+24% sur un an). Les exportateurs les plus importants en 2013 sont les États-Unis (1,1 milliards USD, +17,6 % sur un an), l’Italie (644 millions USD, +18 %) et l’Allemagne (557 millions USD, +18 % sur un an). La Belgique occupe la onzième position et aurait exporté pour près de 200 millions USD d’ALPC et de munitions en 2013[9]. Au niveau des importations, toujours en 2013, 8 pays ont importé pour au moins 100 millions USD d’armes légères. Les importateurs les plus importants en 2013 sont, dans l’ordre décroissant, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, l’Australie, la France et la Norvège. La valeur de leurs exportations combinées se monte à 3,8 milliards USD en 2013 (+23 % sur un an) et compte pour 63 % des exportations totales. Cette augmentation est largement tirée par les États-Unis dont les importations ont grimpé de 1,9 milliards USD en 2012 à 2,5 milliards USD en 2013 (+32 %). En 2013, les États-Unis ont importé plus de 5,5 millions d’ALPC (hors munitions)[10]. La Belgique occupe la quinzième position.

Un business très occidental

Outre que les exportations et importations sont concentrées entre les mains d’une vingtaine de pays, la lecture des données met en lumière que les États exportateurs et importateurs sont en majorité des pays occidentaux : parmi les 40 pays ayant exporté plus de 10 millions USD en 2013, on retrouve 25 États membres de l’OCDE (sur 35). Parmi les 28 États membres de l’UE, 18 ont été des exportateurs ou importateurs majeurs ou importants d’ALPC en 2013. Toutefois, même s’il est indéniable que les États occidentaux couvrent une part importante du marché des ALPC, certaines précisions méritent d’être apportées. Tout d’abord, le prix de vente des armes achetées par les États occidentaux est généralement assez élevé (en comparaison avec les armes vendues et achetées par d’autres pays dans le monde), en raison notamment de l’avancement technologique de ces équipements. En outre, la représentation des États occidentaux, certes importante, est à relativiser car les classements sont biaisés par l’absence ou le manque de transparence des données d’autres pays.

En 2014, les pays membres de l’UE ont rapporté avoir octroyé des licences d’exportations d’ALPC et de munitions pour une valeur totale de plus de 10 milliards EUR, dont 6,5 milliards EUR uniquement pour des munitions. Ce chiffre a plus que doublé par rapport à 2013. Il doit cependant être pris avec précaution et apparaît artificiellement élevé en raison d’un changement dans la politique française d’octroi de licences d’exportation en 2014. Les pays membres de l’UE avaient octroyé des licences d’exportations pour une valeur de 4,6 milliards EUR en 2013 et 3,9 milliards EUR en 2012 (+18 %). Les principales destinations (hors UE) des exportations d’ALPC et munitions de l’Union européenne sont l’Arabie saoudite (1,84 milliards USD), les États-Unis (1,79 milliards USD), l’Irak (361 millions USD) et les Émirats arabes unis (307 millions USD).

La Belgique et le commerce des ALPC

En 2014, la Belgique a rapporté avoir octroyé des licences d’exportations d’armes légères et de petit calibre, de leurs pièces détachées, accessoires et munitions pour une valeur totale de plus de 835 millions EUR[11]. Si on omet la France, dont les chiffres sont artificiellement gonflés à la suite d’une réforme du système d’octroi de licences en juin 2014[12], la Belgique occupe la première place au niveau de l’Union européenne pour ces catégories d’armes, devant le Royaume-Uni (713 millions EUR). Le total des licences d’exportations d’ALPC de la Belgique se monte à plus de 3,8 milliards EUR sur la période 2007-2014. Avec près de 700 millions de licences octroyées pour des ALPC en 2014 (et un chiffre similaire en 2015), la Région wallonne est de loin la région de Belgique la plus active sur le marché des ALPC.

Selon les données du Small Arms Survey, en terme d’exportations et d’importations effectives, la Belgique est le onzième exportateur et le quinzième importateur d’ALPC au monde en 2013 avec des exportations d’ALPC et de munitions totalisant près de 200 millions USD[13]. Plusieurs éléments indiquent néanmoins que ce chiffre serait largement sous-estimé. Une estimation plus proche de la réalité se situerait entre 350 et 450 millions USD, pour ce qui est de la valeur des exportations annuelles effectives d’armes légères et de petit calibre, de leurs pièces détachées, accessoires et munitions de la Belgique entre 2013 et 2015.

Tout d’abord, l’analyse du chiffre d’affaires des entreprises belges du secteur des ALPC offre une indication de la valeur des exportations de la Belgique pour ces catégories d’armes. La Belgique, et principalement la Région wallonne, abrite sur son territoire plusieurs entreprises qui conçoivent, fabriquent et commercialisent presque exclusivement des armes légères, des systèmes d’armes, des munitions et des accessoires pour la défense et les forces de l’ordre. Ces entreprises sont la FN Herstal (armes légères et munitions), Browning International (armes légères destinées à la chasse et au sport), Forges de Zeebrugge (missiles air-sol et systèmes de fusées) et Mecar (munitions de moyen calibre, mortiers et grenades). Le chiffre d’affaires cumulé de ces entreprises s’est monté à 567 millions EUR en 2013 et à 609 millions EUR en 2014[14]. Au regard de la taille limitée du marché belge, une partie importante du chiffre d’affaires de ces entreprises est donc réalisé à l’exportation.

Ensuite, selon les chiffres de la Région wallonne, le taux moyen de réalisation des licences d’exportation octroyées par le gouvernement wallon entre 2010 et 2015 est de 50 %[15]. C’est-à-dire qu’en moyenne la moitié des licences d’exportations octroyées donnent lieu à des exportations effectives. Dès lors, ces dernières années, les exportations effectives d’ALPC de la Région wallonne doivent se monter à environ 350 millions EUR, soit environ 385 millions USD. À ce chiffre doivent encore s’ajouter les exportations effectives des autres entités fédérées belges.

L’auteur

Christophe Stiernon est chercheur au GRIP pour le projet « Armes légères et transferts d’armes ». Il travaille en particulier sur les questions liées au contrôle des transferts d’armements de l’Union européenne et les instruments internationaux de contrôle des armes légères et de petit calibre.

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pdf Armes légères et de petit calibre: chiffres, enjeux, tendances

 


[1]. Karp Aaron, Global Trends in Small Arms Trafficking, World Policy Blog, 29 février 2016.

[2]. ATF, United States Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives

[3]. Hormis une très légère baisse en 2003.

[4]. Les données sur les transferts internationaux reprises dans ce sous-chapitre se basent sur les données rapportées au UNCOMTRADE et reprises par Small Arms Survey. La valeur des transferts est donc inférieure à l’estimation de l’étude pluriannuelle menée par Small Arms Survey entre 2009 et 2012 dont l’objectif était de réaliser une évaluation plus large de la valeur des transferts internationaux autorisés au moyen d’une méthode d’interpolation.

[5]. Transparency Market Research, SALW Market to be Worth US$22.12 bn by 2023, 11 décembre 2015.

[6]. Markets and Markets, Ammunition Market – Global Forecasts to 2020, novembre 2015.

[7]. Annuaire sur les armes légères 2012, Small Arms Survey, p. 241.

[8]. État du monde 2015.

[9]. Estimation du GRIP selon la base de données sur les transferts d’armes légères du NISAT.

[10]. ATF, United States Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives.

[11]. Council of the European Union, Seventeenth Annual Report according to Article 8(2) of Council Common Position 2008/944/CFSP, 4 mars 2016.

[12]. Pour plus d’information voir Léo Gehin, Union européenne : plus d’exportations d’armes, moins de transparence?, Éclairage du GRIP, 14 avril 2016.

[13]. Estimation du GRIP selon la base de données sur les transferts d’armes légères du NISAT.

[14] Le GRIP propose une base de données sur les principales entreprises de production d’armement en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles-Capitale. Cette base de données est accessible en ligne.

[15]. Le taux de réalisation de l’année 2014 est volontairement omis du calcul car celui-ci est très faibles par rapport aux autres années (9%) du fait d’une licence canadienne de plus de 3 milliards EUR qui sera étalée sur une quinzaine d’années.