Dans le cadre de l’achat de l’avion de combat F-35 par la Suisse, l’année 2023 marque le début de la course aux participations industrielles (aussi appelées « affaires compensatoires » ou offsets) par une présélection d’entreprises comptant au moins 250 collaborateurs. Conclues lors de l’achat d’armements à l’étranger, les affaires compensatoires regroupent l’ensemble des contreparties que l’acheteur exige de la part d’un fournisseur étranger afin de participer au développement du tissu industriel du pays client. On parle d’offsets directs lorsque les compensations sont liées à la réalisation d’achat de matériel militaire et d’offsets indirects lorsqu’elles sont exigées dans d’autres secteurs, connexes ou non au programme d’armement.

Le 27 septembre 2020 en Suisse, les citoyens acceptaient de justesse (50,1 % de votes favorables) l’arrêté fédéral du 20 décembre 2019 relatif à l’acquisition de nouveaux avions de combat. Le document prévoit un budget de 6 milliards CHF (environ 5,6 milliards EUR) pour renouveler les moyens de protection de l’espace aérien suisse par la mise en service, d’ici à la fin de l’année 2030, de nouveaux avions de combat. Le texte requiert aussi des affaires compensatoires pour un montant équivalant à 60 % de la valeur contractuelle (20 % directement et 40 % indirectement). Le 30 juin 2021, le Conseil fédéral (le Gouvernement suisse) annonçait sa volonté d’acquérir 36 F-35 Lightning II, dans sa variante A (à décollage et atterrissage conventionnels), du fabricant américain Lockheed Martin.

Durant la campagne référendaire, les promesses de retombées économiques pour l’industrie suisse ont constitué l’un des principaux arguments des partisans de l’acquisition de nouveaux avions de combat. Dans leur argumentaire, le Conseil fédéral et le Parlement recommandaient ainsi aux citoyens d’accepter l’arrêté fédéral car « les avions apporteront en outre des mandats à l’industrie suisse », c’est-à-dire des affaires compensatoires.

Néanmoins, il existe souvent un fossé entre les promesses de retombées positives et les effets réels (qui sont d’ailleurs difficiles à mesurer) des affaires compensatoires sur l’industrie du pays acheteur. L’objectif de cet Éclairage est d’analyser l’acquisition par la Suisse de 36 F-35 en exposant les incertitudes planant sur les affaires compensatoires qui y sont liées.

Pour ce faire, le texte se divise en trois parties. La première détaille les principaux éléments permettant de caractériser les affaires compensatoires : le fait qu’elles ont un coût pour le pays qui les demande, qu’elles sont conçues comme un levier pour stimuler l’industrie locale et qu’elles s’inscrivent dans une logique de marché spécifique. La seconde partie revient sur la difficulté à objectiver l’effet des affaires compensatoires sur d’éventuelles retombées positives pour l’industrie suisse. Enfin, sur la base de la communication officielle des autorités suisses autour de l’acquisition du F-35, la troisième partie souligne plusieurs incohérences quant à la nature et aux montants des affaires compensatoires. Le procédé permet de mettre en perspective les premières difficultés entourant l’accord de compensation conclu entre Lockheed Martin et le gouvernement suisse et de s’interroger sur la capacité des instances politiques à y remédier.

Crédit photo : Take off from Meiringen F-35, 12 juin 2019, Ossobe via Wikimedia Commons

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