Crédit photo: UNDP/Yevhenii Zavhorodnii Une voiture détruite et des bâtiments endommagés à Boutcha, en Ukraine.

Le 28 février 2022, Karim A. Khan, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine. Les investigations, qui ont officiellement débuté le 2 mars 2022, intègrent des vidéos, des photos et autres types de publications diffusées sur des réseaux sociaux et des plateformes numériques (Facebook, YouTube, Twitter ou encore TikTok). Si certains États sont habitués à l’exercice (la Finlande, la Suède, l’Allemagne et les Pays-Bas, par exemple), la CPI est peu familière avec la démarche de récolte de documents « open source » (ou OSINT, pour Open Source INTelligence) dans le cadre de ses enquêtes portant sur des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, ou des crimes de génocide. Pourtant, l’utilisation de vidéos, photos et autres documents numériques publiés sur les réseaux sociaux comme éléments de preuve est amenée à se répandre. Dans son « Plan stratégique 2016-2018 », le Bureau du procureur de la CPI note ainsi que « l’accès à Internet par les victimes, les témoins et les auteurs des crimes crée un environnement dynamique pour surveiller et confirmer la commission de crimes relevant de la compétence de la Cour ».

La mobilisation des sources ouvertes présente de nombreux avantages. Elle permet, d’une part, de réduire les coûts des enquêtes, mais aussi (et surtout) de contourner les problèmes d’accès au terrain. Les observations sur site sont, en effet, souvent compromises tant parce que des hostilités sont encore en cours que parce que l’État sur le territoire duquel les crimes ont été commis refuse de coopérer avec la CPI. Malgré ces avantages, le recours à des preuves numériques identifiées à distance dans le cadre de procès pénaux internationaux n’est pas sans poser de sérieux défis.

Cet Éclairage passe en revue les difficultés rencontrées par les enquêteurs et autres acteurs de la justice internationale dans l’identification et l’utilisation des preuves numériques collectées en sources ouvertes. Il retient, pour fin de classification, quatre principaux types de défis, qui tiennent 1) à la collecte de l’information, 2) à l’archivage des données, 3) à l’authentification des documents et 4) aux risques que soulève l’utilisation de ces informations en matière d’impartialité de la justice pénale internationale et du droit à un procès équitable. L’analyse successive des éléments propres à ces quatre catégories permet en conclusion de questionner la pertinence de cadrer davantage ou non, par des normes juridiques dédiées, l’usage des preuves OSINT par les acteurs de la justice pénale internationale.

Crédit photo : UNDP/Yevhenii Zavhorodnii – Une voiture détruite et des bâtiments endommagés à Boutcha, en Ukraine.

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