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Le climat dans le champ de tir : l’objectif « 2% » de l’OTAN aggrave la destruction du climat (TNI, Wapenhandel, Tipping Point)

Résumé exécutif

(Le rapport entier est disponible en anglais sous ce lien)

Les efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique souffrent d’un sous- financement chronique de plusieurs milliards de dollars, ce qui aggrave la crise climatique et ses répercussions sur les citoyens du monde entier. Cette situation a fait du financement de la lutte contre le changement climatique l’une des questions les plus controversées lors des sommets annuels des Nations unies sur le climat, car les pays les plus riches, qui portent la plus grande part de responsabilité dans le dérèglement climatique, n’ont même pas tenu leurs promesses de financement – déjà limitées – à l›égard de ceux qui sont confrontés aux conséquences les plus graves de ce dérèglement. Dans le même temps, les nations les plus riches et les plus polluantes en carbone augmentent également leurs dépenses militaires. Les dépenses militaires mondiales ont atteint un niveau record de 2,24 billions USD, dont plus de la moitié provient des 31 États membres de l’OTAN… Et les budgets devraient augmenter massivement au cours des prochaines années.

Ce rapport examine l’impact de l’un des principaux moteurs de l’augmentation des dépenses militaires mondiales : l’objectif fixé par l’OTAN voulant que tous ses États membres consacrent au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à leurs armées, avec l’objectif connexe d’au moins 20 % des dépenses consacrées à l’équipement. Quel est l’historique de cet objectif ? En quoi stimule-t-il les dépenses militaires ? Quels seront son impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), son probable impact financier et écologique mondial au cours de la prochaine décennie, et quels en seront les bénéfices pour l’industrie de l’armement ?

L’objectif de l’OTAN est rapidement devenu une référence en matière de dépenses militaires, mais comme le montre ce rapport, il ne repose sur aucune base méthodologique claire. Fixé en 2006 avant l’invasion initiale de l’Ukraine par la Russie en 2014, il est aujourd’hui défendu comme nécessaire pour contrer la menace russe. Certes la Russie a un passé récent d’interventions militaires, en particulier dans les pays voisins tels que l’Ukraine et la Géorgie. Pourtant, même avant d’en arriver à ces 2 %, en 2021, les 31 États membres de l›OTAN ont dépensé plus de 16 fois plus que la Russie et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC, qui comprend l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan). Néanmoins, l’objectif a été largement suivi et le secrétaire général de l’OTAN le présente désormais comme le minimum requis en matière de dépenses militaires pour l’OTAN et ses alliés.

Le contraste entre l’objectif de l’OTAN et celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – qui propose que tous les pays réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 afin de maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 1,5 °C – ne pourrait être plus frappant. L’objectif du GIEC est fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles en matière de climat et pourtant il est largement ignoré, aucun des membres de l’OTAN (ou des membres de l’OTSC d’ailleurs) ne s’engageant réellement à réaliser des réductions de 43 % d’ici à 2030. En effet, en adoptant les 2 % visés par l’OTAN, ils rendent l’objectif du GIEC encore plus difficile à atteindre, car l’augmentation prévue des budgets militaires accroîtra considérablement les émissions de GES des armées et détournera les fonds qui devraient être consacrés à l’action climatique.

Si l’OTAN et l’industrie de l’armement évoquent souvent des armées « plus vertes », ils n’ont pratiquement pas réussi à réduire les émissions produites par leurs opérations. L’augmentation des dépenses militaires entraînera donc toujours davantage d’émissions de gaz à effet de serre.

Sur la base de calculs détaillés, notre recherche estime que :

Le principal bénéficiaire des objectifs de l’OTAN est l’industrie de l’armement, qui a vu ses revenus, ses bénéfices et le cours de ses actions grimper en flèche. L’industrie fait pression pour que ces flux de bénéfices deviennent permanents, en exigeant des engagements structurels à long terme pour la production d’armes et en limitant les engagements environnementaux. Ce lobbying a porté ses fruits, comme en témoignent l’Acte de soutien à la production de munitions (ASAP) de l’UE pour 2023, le Plan d’action pour la production de défense de l’OTAN (2023) et le soutien de l’administration Biden à la production d’armements. Elle stimulera également les exportations d’armes vers des pays extérieurs à l’OTAN, car l’économie de guerre cherchera de nouveaux débouchés après la fin de la guerre en Ukraine.

L’analyse des exportations d’armes des membres de l’OTAN montre qu’elles sont actuellement envoyées à 39 des 40 pays les plus vulnérables sur le plan climatique ; 17 d’entre eux sont déjà en conflit armé, 22 ont un régime autoritaire, 26 ont des indicateurs de développement humain médiocres et neuf font l’objet d’un embargo sur les armes décrété par l’ONU ou l’UE. Ces exportations alimentent les conflits et la répression dans une période de grand danger d’effondrement du climat.

Plus important encore, les objectifs de l’OTAN – avec toutes les conséquences environnementales qui en découlent – déclenchent une nouvelle course aux armements alors que la crise climatique fait rage. Cela entraînera une augmentation des émissions et absorbera les ressources déjà largement insuffisantes pour financer la lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’une distraction politique qui détourne l’attention de la plus grande crise de sécurité à laquelle l’humanité ait jamais été confrontée : l’effondrement du climat. En définitive, aucun secteur ne peut prétendre faire exception à l’urgence d’une action climatique radicale, pas même le secteur militaire ni l’industrie de l’armement. La sécurité commune et même la vie sur Terre dépendent d’un seul objectif : une action climatique urgente entreprise par tous.

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